Littérature engagée : quand écrire devient un moyen de revendication

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Et si aujourd’hui, on explorait plus en profondeur ce qu’est la littérature engagée ? À quoi la reconnait-on ? Quels sont les auteurs et autrices engagées ? Et bien sûr, quelles sont les œuvres littéraires engagées ? Allez viens, je t’embarque !

Comment définir la littérature engagée ?

Mais de quoi parle-t-on exactement quand il est question de littérature engagée ? Voyons cela ensemble !

Essai de définition

Alors, avant tout, comment définit-on la littérature engagée ?

Eh bien, on pourrait dire qu’il s’agit d’une littérature qui regroupe tous les textes littéraires d’auteurs et d’autrices qui défendent une position politique. Très souvent, ils vont défendre une position éthique ou morale, et parfois religieuse, même si celle-ci est plus rare.

Au sein de la littérature engagée, on trouve des romans, nouvelles, poèmes ou encore des argumentaires. Toutefois, il est surtout entendu d’user de la fiction pour faire valoir un point de vue politique. L’écriture est donc impliquée dans un combat, au service d’une lutte.

À travers ces textes, les auteurs, aussi dits « auteurs engagés », s’investissent dans la vie sociale, politique ou religieuse de leurs temps et défendent leur point de vue. L’écrivain n’est pas seulement un observateur de son époque, il met son oeuvre au service d’une cause.

Qu'est-ce que l'engagement dans la littérature ?

Alors concrètement, ça donne quoi l’engagement en littérature ?

Il pourrait s’agir d’une démarche que prend l’écrivain dans ses écrits. Cette démarche, comme je te le disais plus tôt, consiste à défendre une cause. Aussi, il dénonce certains aspects de la société et peut appeler son lectorat à l’action. La littérature ici a un but politique. L’oeuvre est pensée non pus vraiment pour sa beauté ou son sens, mais pour son efficacité dans le combat de l’auteur. D’ailleurs, selon Jean-Paul Sartre, l’art et ses questions esthétiques ne viennent même que « par-dessus le marché ».

Certains auteurs estiment qu’il en va de leur responsabilité, du fait de l’importance de leurs écrits et de leurs positions dans la société, de s’engager sur les problèmes philosophiques et sociétaux.

Très souvent, les auteurs et autrices engagées assument également d’autres responsabilités comme celles de représentants politiques, activistes, militants, journalistes, etc. Je tiens quand même à soulever que les auteurs engagées le sont en grande partie pour des idées progressistes (en gros, favorables à des réformes sociales), mais ce n’est pas toujours le cas.

D’ailleurs, en tant qu’écrivains, ils peuvent notamment écrire et diriger l’opinion publique par le biais de journaux, revues, essais, thèses, manifestes, conférences, etc. Ils s’associent même souvent entre eux pour donner du poids à leurs revendications et influencer les pouvoirs en place ainsi que le public. De plus, ils ont à souhait d’instruire le public sur certains problèmes actuels. La littérature engagée prend une place importante au sein de la littérature française et a connu de hauts faits et ses « heures de gloire » et connait encore aujourd’hui une dynamique pérenne.

Je trouve aussi intéressant de souligner que certains même se posent la question de savoir où se trouve la différence entre penseur et artiste.

Apparition des termes de littérature engagée

Ici on va se focaliser sur le contexte français.

C’est plutôt au XXème siècle que l’on parle véritablement de littérature engagée, surtout après la Seconde Guerre mondiale. En effet, la littérature est alors attachée à un certain devoir de défendre la liberté et la solidarité. S’inscrivent dans cette lignée Roger Martin du Gard, André Malraux ainsi que des existentialistes et poètes de la Résistance (Louis Aragon, Paul Éluard, Marianne Cohn et bien d’autres).

Et quand on pense à des écrivains engagés, on pense bien sûr principalement à Jean-Paul Sartre qui définit lui-même la littérature engagée dans Qu’est-ce que la littérature ?. À peu près à la même période, André Gide écrit Littérature engagée. Ces auteurs expliquent qu’à partir du moment où l’on vit, l’on prend toujours position, et c’est également le cas lorsqu’on se dit indifférent ou passif. Ces propos rejoignent la philosophie existentialiste de Sartre.

Les débuts de la littérature engagée

Mais attention, cette notion d’engagement apparaît certes au XXème siècle, mais bien sûr qu’il y a eu des écrivains engagés auparavant. En effet, c’est véritablement au XVIIIème siècle, à la fin de l’Ancien régime, que les philosophes se font un devoir de servir la société et de l’améliorer. C’est notamment le cas de Voltaire qui, dans Dictionnaire philosophique, dénonce l’usage de la torture. Par la parution de cet article, il affirme et prend position. Les philosophes s’affranchissent de plus en plus des pouvoirs politiques et religieux alors qu’avant les auteurs étaient des courtisans à la recherche de mécènes et de protecteurs.

Au XIXème siècle, cette question d’utilité politique de l’écrivain obsède certains auteurs comme Alphonse de Lamartine ou encore tout particulièrement Alfred Victor de Vigny. D’ailleurs Victor Hugo sera seulement porté par ses convictions tout le long de sa vie (il s’est quand même exilé durant vint-ans sur les îles de Jersey et Guernesey après le coup d’État bonapartiste fin 1952) et sera même parlementaire sous la monarchie de Juillet ainsi que sous la Deuxième et Troisième République. Et bien sûr, Émile Zola qui, bien qu’attaché à une doctrine naturaliste, laisse transparaître son souci des conditions de vie miséreuses et des laissés pour compte dans ses différents romans et son souci des injustices avec l’affaire Dreyfus.

Quel est le but de la littérature engagée ?

Mais alors concrètement, quels sont les effets recherchés par la littérature engagée ?

On pourrait lister plusieurs objectifs :

– décrire une situation peu ou pas connue du grand public ;

– indigner le lecteur et la lectrice, et par là, l’opinion publique ;

– exprimer une opposition politique et/ou religieuse ;

– soutenir un mouvement contestataire ;

– appeler à l’action (de la population, des intellectuels et/ou du gouvernement), etc.

Bien sûr, ces objectifs peuvent être poursuivis par les auteurs et autrices simultanément.

Quels sont les thèmes sur lesquels se porte la littérature engagée ?

Nombreux sont les thèmes mobilisateurs :

– la religion : des écrivains ont écrit aussi bien pour défendre des valeurs religieuses, comme le pardon ou la compassion, que pour attaquer l’intolérance religieuse. C’est notamment le cas de Voltaire, François-René Chateaubriand, Blaise Pascal ou encore Théodore Agrippa D’Aubigné.

– les valeurs humanistes : nombreuses et nombreux sont ceux qui ont écrit sur des sujets comme la défense de la liberté, la lutte contre le racisme, la défense de la négritude (Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, etc.), les émigrés (Tahar Ben Jelloun), l’humanisme (Albert Camus), etc.

– les questions d’ordre politique : d’autres ont souhaité exprimer leur souhait de pacifisme, ou dénoncer la guerre (Max Scheler).

– le féminisme : engagement pour le droit des femmes, le féminisme dénonce les violences subies par les femmes, les inégalités sociales, politiques, juridiques, économiques ou encore culturelles que subissent les femmes. Parmi les plus célèbres, on peut notamment citer Christine de Pizan, Olympe de Gouges, George Sand, Simone de Beauvoir, Virginie Despentes, etc.

– le dérèglement climatique : autre sujet mobilisateur sur lequel se positionne le mouvement écologiste qui souhaite préserver l’environnement (Alain Damasio).

– la condition animale : le mouvement animaliste a pour objectif d’obtenir des changements institutionnels et culturels afin de prendre au sérieux et leur épargner des souffrances. On pense notamment à Louise Michel, Camille Brunel ou encore Joseph Andras.

Quelles sont les caractéristiques d'une œuvre engagée ?

On peut reconnaître la littérature engagée au fait qu’elle prend parti sur différents thèmes comme cités juste au-dessus.

Mais ce n’est pas tout, du côté des registres d’écriture, elle est souvent marquée par la satire, l’ironie, la polémique, etc. afin de renforcer l’efficacité du propos et impliquer le lecteur et la lectrice.

Et puis, il faut également prendre en compte la place qu’elle occupe au sein de la société : quel est son impact (retentissement, prises de parole et prises de conscience, etc.) ? Est-elle reconnue comme oeuvre engagée, etc. ?

Ce n’est pas tout, il faut également s’intéresser à l’intention de l’artiste, ses engagements et convictions personnelles, et comment il a exprimé celles-ci au travers de sa réalisation.

Quelles sont les œuvres engagées ? (Introduction aux textes et auteurs engagés)

Maintenant, passons à quelques exemples de textes engagés emblématiques. Cela va d’ailleurs être un bon moyen pour moi de t’introduire leurs auteurs et autrices et de t’inciter à lire d’autres de leurs œuvres. Et on ne va pas seulement se limiter à des écrivaines et écrivains français.

Le Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo

Sorti en 1829, il s’agit d’un roman plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort écrit après que Victor Hugo ait assisté à la préparation de la guillotine pour une exécution prévue le soir même. Ce roman se présente comme le journal d’un condamné à mort dans lequel il narre ce qu’il a vécu depuis sa condamnation, ses angoisses, mais aussi des souvenirs de sa vie.

Au-delà ce roman, citons bien sûr Les Misérables ou encore son poème Melancholia. Dans ces deux textes, Hugo dénonce les conditions misérables dans lesquelles vivent certains de ces contemporains ainsi que le travail des enfants.

Et je t’invite également à lire Napoléon le Petit, un pamphlet dans lequel Victor Hugo s’en prend violemment à, tu l’auras deviné, Napoléon III, après le coup d’État de ce dernier qui met fin à une période républicaine.

J'accuse...! d'Émile Zola

Impossible de ne pas citer Zola, connu notamment pour son article de presse engagé J’accuse… ! paru dans le journal L’Aurore, dans le cadre de l’affaire Dreyfus, dans lequel il prend position pour le capitaine juif accusé de trahison et destitué de son titre de militaire. Il s’expose d’ailleurs à des poursuites en Cour d’assises et s’exilera à Londres. Cependant, ce procès a permis de mettre en avant les failles de l’accusation contre Dreyfus et de le réhabiliter par la Cour de cassation en 1906.

Et bien sûr, je ne peux que t’inviter à te pencher sur l’oeuvre colossale des Rougon-Macquart, Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire qui rassemble près de 20 volumes écrits entre 1870 et 1893.

Moins connu, Émile Zola a également écrit un plaidoyer pour les animaux, L’Amour des bêtes que tu peux retrouver facilement sur le net. Il disait d’ailleurs que « La cause des animaux passe avant le souci de me ridiculiser« .

Les Raisins de la Colère de John Steinbeck

Ce roman se déroule aux États-Unis lors de la Grande Dépression. On y suit les Joad contraints de quitter l’Oklahoma pour cause de sécheresse, difficultés économiques et bouleversements industriels dans le monde agricole. Ils font route vers la Californie dans l’espoir d’y trouver travail et avenir. L’auteur y dénonce la mécanisation du travail, mais également les inégalités sociales et le racisme en cours.

Journaliste, auteur et correspondant de guerre, John Steinbeck est considéré comme « un géant des lettres américaines ». De par ces prises de position et son implication dans les mouvements communistes, il affirme qu’il a souvent été harcelé par le gouvernement états-unien. Et je t’invite grandement à lire notamment Des Souris et des hommes.

L'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne

Autre mastodonte, cette fois en littérature russe, Soljenitsyne et son ouvrage L’Archipel du Goulag détaillant et dénonçant le système concentrationnaire. L’auteur a écrit ce roman lorsqu’il était au goulag entre 1958 et 1967 et l’a fait passer clandestinement en Occident. Il s’agit d’une oeuvre qui se veut être la porte-parole des victimes des goulags, écrite d’après le témoignage de 227 prisonniers. L’ouvrage a notamment permis de faire connaître l’existence de ces prisons russes en France alors même que la Russie niait leur existence.

Poète, dramaturge, essayiste et aussi nouvelliste, Alexandre Soljenitsyne est l’un des opposants les plus célèbres au régime soviétique des années 1970 et 1980. Il devra se réfugiera en Europe de l’ouest, puis aux États-Unis avant de pouvoir revenir en Russie en 1994.

Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire

Cette oeuvre poétique qui est le premier texte à lancer le mouvement de la Négritude. André Breton contribuera d’ailleurs à la faire connaître à l’international en la faisant traduire dans une édition bilingue. Ce texte symbolise la fierté et la dignité retrouvée des peuples noirs, mais aussi des peuples opprimés à travers le monde.

Écrivain, poète, dramaturge, essayiste et homme politique français de la Martinique, Aimé Césaire est une grande figure mondiale de la pensée anticoloniale. Il contribuera à l’émergence du mouvement de la Négritude. Il s’agit d’une notion établie en opposition au système colonial français visant à rejeter d’une part le projet français d’assimilation culturelle et à promouvoir d’autre part l’Afrique et sa culture qui ont été dévalorisées par le racisme issu de l’idéologie colonialiste. C’est aussi le fait, pour les personnes noires, de reconnaître qu’elles le sont, d’accepter ce fait mais aussi leur destin, leur histoire et leur culture.

Ainsi soit-elle de Benoîte Groult

Il s’agit d’un roman policier dans lequel la victime est une femme et narre les différents états de la condition des femmes. Il est considéré à la fois comme un livre d’histoire, un essai sociologique et un pamphlet électrochoc. C’est un ouvrage majeur la prise de conscience féministe.

Journaliste et romancière, Benoîte Groult se déclare féministe sur le tard, mais influence grandement son parcours. Elle est l’une des premières à dénoncer les mutilations génitales féminines. Elle préface un livre important pour le féminisme africain de Awa Thiam, La parole aux négresses. De plus, de 1984 à 1986, elle préside la Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions. Également, elle publie pour la première fois, l’intégralité de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791 d’Olympe de Gouges. Elle est membre du comité d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

La Honte de Taslima Nasreen

Dans ce roman, l’autrice narre l’oppression musulmane que subit une famille hindoue et y dénonce les fondamentalismes qui font écrouler les rêves de paix et d’amitié. Ce livre est un best-seller en Inde et a été diffusé en masse au Bangladesh malgré la censure. Pour cet écrit, Nasreen est contrainte à l’exil et menacée d’une fatwa.

Gynécologue, autrice et militante pour le droit des femmes et contre l’obscurantisme religieux, Taslima Nasreen connaît tout d’abord le succès avec la publication de son second recueil de poèmes Nirbashito Bahire Ontore puis avec ses éditoriaux et ses romans dans les années 1990. Malgré une situation financière précaire et de multiples menaces de mort, cela ne l’empêche de porter haut et fort ses convictions et de se positionner du côté des femmes qui militent contre l’oppression religieuse.

Gomorra de Roberto Saviano

Ce roman prend place à Naples et décrit, mais aussi dénonce les milieux mafieux en particulier le milieu de la Camorra en évoquant notamment la contrefaçon, les armes, la drogue et les déchets toxiques. Ce texte se présente également comme une description sociologique de la population napolitaine se trouvant au cœur du réseau mafieux. Gomorra eu un retentissement international et a été adapté aussi bien en pièce de théâtre, au cinéma qu’à la télévision.

Écrivain et journaliste, Roberto Saviano dénonce à la fois dans ses différentes publications la système mafieux. De part ses positions, il est placé sous protection policière, car menacé de mort. En plus de ça, il s’indigne également contre la politique migratoire de son pays et dénonce les mafias libyennes.

Ecatepec de Camille Brunel

Le roman se passe à Mexico City, dans la banlieue Ecatepec, et y déroule l’histoire de Maria qui, malgré la violence des hommes, s’engage pour les animaux. Cependant, elle est tiraillée entre des ces deux luttes qui l’animent. Ici, l’auteur y déroule une réflexion sur l’engagement et le militantisme et appelle à l’intersectionnalité des luttes.

Camille Brunel est écrivain, journaliste, militant animaliste et critique de cinéma. Il a écrit plusieurs fictions La Guérilla des animaux, Les Métamorphoses ou encore Après nous les animaux. Il collabore également à la revue Usbek et Rica. Anciennement professeur de français, en 2016, il démissionne de l’Éducation nationale notamment suite au mécontentement de la mairie qui a reçu près d’une soixantaine de lettres exprimant leur refus d’accueillir un cirque avec animaux. Celles-ci ont été rédigées dans le cadre d’un travail d’argumentation sur l’animalisme avec ses élèves.

Et toi, as-tu lu des œuvres engagées qui t’ont marqué ?

Hélène