Akli Tadjer, Qui n’est pas raciste ici ?

Akli Tadjer : "Qui n’est pas raciste ici ?"

Chronique de Gérald Connard - 21 avril 2023

"Qui n’est pas raciste ici ?", d'Akli Tadjer

« Encore un bougnoule qui veut se faire plaindre », me suis-je dit en voyant cette couverture.

Alors franchement, pour ce genre de spectacle, on a déjà le Marrakech du rire, avec ces mecs qui voudraient qu’on arrête de les mettre dans des cases mais qui passent leur temps à faire de l’humour ultra-communautaire dans lequel ils font passer le blanc-bec pour un pleutre, espérant que ce dernier va leur ouvrir les bras pour un free hug, genre si on te frappe sur la joue droite, tends la gauche. A part renforcer les clichés sur la banlieue et creuser le fossé entre les communautés, je ne perçois pas le but de la manœuvre.

Bref, ce livre est tombé dans mes mains presque de force. Alors, je l’ai ouvert en dilettante. Et c’est jamais bon d’aborder une bagarre en dilettante, surtout quand tu as un client en face de toi. 

J’ai ouvert le bouquin. Arriva ce qui devait arriver ! Je me suis pris une grosse mandale dans la gueule. Le mec a commencé direct : « Je n’écris pas pour passer le temps ou briller en société, j’écris parce que je porte en moi des soleils tourmentés, des bruits de guerre et des feux mal éteints ». 

Putain, en quatre secondes, j’étais devenu son obligé.

Et voilà que le mec enchaîne : « J’écris sur (…) la quête de l’Autre pour rapprocher nos contraires ».
 
Ah mais c’est donc pas un livre sur la misère en Bougnoulie. Ok mec, là tu m’intéresses. Ça veut dire qu’on va se battre pour la tolérance, pour essayer de s’aimer et qu’on va éviter les traditionnelles jérémiades du style « C’est pas de ma faute, c’est le prof il est raciste ! ». Ok, là tu m’intéresses, coco.

Dans ce petit livre très puissant, ce qui est réjouissant c’est que tout n’est pas blanc ou noir. Face aux élèves qui l’interrogent à propos de l’islam radical, il répond ceci :

« Les intégristes me font peur. Je leur réponds qu’on peut prier le même Dieu et avoir deux
interprétations opposées de la religion
».

Dans cet ouvrage, on dissèque la peur de l’Autre, France rurale contre France des quartiers :

« Dans ces campagnes où l’on ne voit guère plus loin que le bout de son village » ; « notre ligne
d’horizon était le boulevard périphérique que nous ne franchissions jamais
».

Avant de lire ce livre, j’avais un projet d’écriture qui mijotait dans ma tête. J’avais de l’enthousiasme dans le slip, mais il me manquait la pierre angulaire pour ce travail. 

Quand Akli Tadjer indique qu’il n’écrit pas pour passer le temps, je crois comprendre qu’il désire plus que tout que ses textes aient une vraie portée humaine, philosophique et politique, c’est-à-dire qu’ils influencent positivement les lecteurs, apportant ainsi sa contribution à un mieux vivre ensemble.
 
En ce qui me concerne, cela a parfaitement fonctionné. Ce texte a résonné en moi, influant sur la trajectoire de ma pensée et de mon prochain travail d’écriture qui, je l’espère, sera également un nouveau relais pour l’appel au mieux vivre ensemble.

Et devinez quoi ?

Pas plus tard qu’avant hier, c’est « Sur les chemins noirs« , porté par Jean Dujardin, qui est sorti dans nos salles obscures…

Gérald Connard alias L’Idiot du Village

Editeur : JC Lattes

Paru le 27/03/2019

Disponible sur Book Village dès 2.19€

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MINNI
MINNI
30/04/2023 22:12

Très envie de le lire après une telle chronique ! Merci de nous sortir du confort bétisant des feel good !

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