femme tenant une pile de livres - rentrée littéraire

Rentrée littéraire : un phénomène français

Les auteurs et autrices font aussi leur rentrée, leur rentrée littéraire ! Difficile de passer à côté, car on en parle aussi bien dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les centres commerciaux jusqu’en librairies. Et il se trouve que c’est une véritable institution typiquement française, mais pourquoi ? Et comment fonctionne-t-elle ? Et puis, à qui profite-t-elle ? Bref, que de questions auxquelles nous allons tenter de répondre. Allez, viens !

C'est quoi au juste la rentrée littéraire ?

Mais de quoi parle-t-on exactement quand l’on évoque la rentrée littéraire ? C’est ce que nous allons voir.

Une spécificité propre à la France et à la Belgique

Bien qu’il s’agisse d’un événement institutionnalisé, il n’est pas pour autant officiel. Eh non ! Aucune entreprise, organisation, fondation ou autre établissement n’est estampillé “rentrée littéraire”. Disons que c’est l’héritage de pratiques culturelles et intellectuelles.

Mais entrons dans le détail.

La “rentrée littéraire” est une expression désignant la période commerciale où l’on trouve le plus de nouveautés littéraires et tous les genres sont concernés (oui, même la bande dessinée). C’est un événement spécifique à la France et la Belgique. Mais alors pourquoi dans ces deux pays ?

En France, cette spécificité pourrait s’expliquer par le fait que le pays est centralisé. La vie culturelle tourne principalement autour de sa capitale, Paris, qui reste un endroit de débats, de négociations et d’échanges, qu’ils soient publics ou privés. L’autre raison est que l’édition et la presse écrite ont des liens ténus. Enfin, la littérature garde une place importante en France, ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres pays.

Pour ce qui est de la Belgique, certains supposent que la proximité avec la France, aussi bien géographique que linguistique, permet à la rentrée littéraire d’y prospérer également.

Tu te demandes peut-être combien de livres sortent en moyenne à cette période ? Eh bien, beaucoup ! Entre 500 à 700 ouvrages selon les années, les trois quarts étant des livres français.

L'histoire de la rentrée littéraire

Il est assez difficile de savoir à quelle période remonte le phénomène de la rentrée littéraire. Cependant, il remonte bien après la création des prix littéraires et il semblerait que l’expression soit apparue sous la plume d’un journaliste du Figaro en 1936 selon un article du Monde paru en 2013. Mais il reste difficile de déterminer quand l’usage de cette expression devient courant, certains estiment que ce serait dans les années 1950 ou bien dans les années 1980 quand les commerciaux de la grande distribution ont intégré le monde de l’édition. 

Et cette rentrée s’est établie vers l’automne, probablement parce que les prix littéraires se sont concentrés en novembre. Les éditeurs ont alors commencé à organiser la parution des ouvrages à la rentrée des grandes vacances selon Pascal Fouché, historien de l’édition interviewé dans Libération en 2001. Bien sûr, les prix sont censés couronner un livre publié dans l’année, mais l’attention médiatique, ainsi que celle des jurys, est surtout focalisée sur les nouveautés de septembre et octobre.

Deux types de livres ne participent pas à cette rentrée littéraire : les poèmes et recueils de poèmes et les best-sellers.

Quand a lieu la rentrée littéraire ?

La rentrée littéraire commence vers mi-août, voire plus tôt et terminent début novembre. Près de quatre mois pour convaincre ! On peut aussi parler de rentrée littéraire en janvier, mais elle est bien moins médiatisée.

Quels sont les buts de la rentrée littéraire ?

Mais alors quel est l’intérêt ? Eh bien il y a deux buts à cet événement (qui ne sont pas toujours avoués par les éditeurs) :

– faire connaître des titres aussi bien par les médias que par le bouche-à-oreille juste avant les fêtes de fin d’année, période à laquelle les maisons d’édition réalisent leur plus gros chiffre d’affaires.

– placer les autrices et auteurs en lice pour pour l’obtention d’un prix littéraire, sache que beaucoup sont décernés entre septembre et novembre. Et l’ajout d’un simple bandeau mentionnant que le livre a reçu un prix peut augmenter ses ventes (d’autant plus s’il s’agit de prix prestigieux, comme tu t’en doutes, tel que le prix Goncourt, Fémina ou Renaudot). Note que très souvent, par tradition, les auteurs et autrices récompensés d’un concours littéraire publient leur oeuvre en janvier, juste après la remise des prix.

On pourrait y voir aussi un troisième objectif qui est de rendre visible le monde littéraire alors que celui-ci a moins de place dans les médias. C’est l’occasion de conserver l’attention, mais aussi d’engager des discussions et débats. C’est aussi le moyen pour les librairies indépendantes de proposer des œuvres qui n’ont pas énormément de diffusion.

Gallimard, Flammarion, la FNAC, les librairies, etc., tout le monde en profite !

Tous les professionnels du livre profitent de cet événement, très important pour l’économie du livre. Laurent Binet, Sorj Chalandon, Éric Reinhardt, Serjge Joncourt, Maria Pourchet, Alix de Maistre, Jean-Baptiste Andréa ou encore Agnès Desarthe, tous ces noms apportent des entrées d’argent non négligeables.

Des éditeurs aux librairies, avec la période des fêtes de fin d’année, c’est le moment qui leur permet de réaliser une grande partie de leur chiffre d’affaires.

On prépare en 2023 pour une sortie de livre en 2024 !

Sache que les éditeurs préparent cette rentrée… plus d’un an à l’avance, voire un an et demi ! Tout d’abord, ils choisissent les livres qu’ils peuvent refaire travailler et apprennent aux auteurs à se vendre. Ils organisent tout leur programme de publications pour la rentrée, préparé entre responsables éditoriaux et auteurs. Tout est une question de dosage, car il faut savoir équilibrer entre les autrices et auteurs déjà connus et les découvertes, mettre en avant des textes tous différents tout en montrant la particularité de chaque maison d’édition.

Puis, à partir du mois de mai, les maisons d’édition envoient les livres définitifs ou les textes en cours de correction aux libraires et journalistes via les services presse. Puis vient la campagne de communication : il faut séduire et mettre en appétit !

En parallèle, elles organisent des réunions auxquelles sont conviés libraires, représentants de maison, journalistes, mais aussi booktubers (des vidéastes qui réalisent des vidéos sur la plateforme YouTube et qui sont férus de littérature) pour échanger sur les écrits ; des rencontres avec les auteurs et autrices ; des événements sur les réseaux sociaux ou encore des concours à destination des lecteurs et lectrices. Le bouche-à-oreille auprès des libraires, critiques et lecteurs fonctionne également très bien.

Et puis ensuite, tout est une question, pour les attachés de presse, de relancer suffisamment et au bon moment tout au long de l’été et parfois jusqu’en octobre. L’enjeu est de convaincre les prescripteurs de lire leurs livres. Avec un brin d’exagération, on pourrait dire que les livres sont presque présentés comme de véritables blockbusters !

Toutefois, il n’y a aucune recette miracle, le succès et l’échec restent parfois des mystères…

Objectif des libraires : repérer les nouveautés (le futur Sorj Chalandon, Éric Reinhardt ou Maria Pourchet)

Côté librairies, tout l’été les libraires lisent, lisent et lisent. Ça ne chôme pas ! Les libraires ont pour mission de repérer les livres qui séduiront les lecteurs. Ils communiquent aussi au sein de l’équipe et entre confrères. Puis en août, ils passent commande et il n’y a plus qu’à mettre les livres en rayon. Les auteurs qui ont de la chance seront sur les tables avec la mention “coup de cœur”, un grand plus pour espérer augmenter les ventes de leurs ouvrages.

Certaines librairies organisent même des comités de lecture (composés de libraires, clients et partenaires) afin d’élire leurs romans préférés de la rentrée.

À côté de ça, la promotion continue, que ce soit dans les émissions littéraires, les magazines ou encore les réseaux sociaux.

Beaucoup de sorties pour peu d'élus

Comme je te le disais, entre 500 à 700 ouvrages sortent à cette période de l’année. Et comme tu peux l’imaginer, même des décennies ne suffiraient pas pour tous les lire ! Derrière cet événement, seule une cinquantaine de livres arrive à sortir leur épingle du jeu (du fait d’une communication sur mesure et bien contrôlée), tandis que tous les autres restant, faute de visibilité ou de chance, iront aux oubliettes.

La rentrée littéraire est finalement assez représentative de l’industrie culturelle. Les écrits sont une marchandise qui doivent s’écouler le plus possible et au plus grand nombre, tant pis pour ceux qui n’auront pas convaincu.

Et ChatGPT dans tout ça ?

On peut aussi se demander ce que deviendra la rentrée littéraire par la suite, une fois entrée dans l’ère ChatGPT

Eh oui, car le volume de livres va très certainement exploser (ce qui pourrait notamment s’expliquer par de prochains livres autoédités). Comment cette donnée va-t-elle impacter la rentrée littéraire ? Est-ce que les acteurs de cet événement en prendront compte ou bien se contenteront-ils de communiquer sur les livres mis en avant pas les maisons d’édition au moyen de leur stratégie marketing ? L’avenir nous le dira donc…

Au-delà de l’aspect commercial, cet événement reste aussi une fête de la Littérature !

Et toi mon cher bibliophile, suis-tu l’actualité de la rentrée littéraire ? T’es-tu déjà laissé tenté par une recommandation lors de cet événement ?

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