Chronique de "La Colère", de S.A. Cosby

À moins d’avoir déménager sur une autre planète, vous n’avez pas pu échapper à la déferlante S.A. Cosby… Que ce soit avec ce titre (paru en poche en janvier) ou son dernier (« Le sang des innocents ») paru chez Sonatine en janvier également, l’auteur est partout ! Tout le monde semble d’accord à son sujet, il me fallait donc obligatoirement me faire ma propre idée ! Je vais éviter de maintenir un suspens inutile, je rejoins sans conteste la #teamcosby !

La colère… c’est celle de deux pères, à la recherche de la vérité. La vérité sur ceux qui ont assassiné leurs fils. Mais aussi et surtout, ils sont en colère contre eux-mêmes. Ike et Buddy Lee n’ont presque rien en commun. L’un est noir, l’autre est blanc. L’un est à la tête d’une prospère entreprise de jardinage, l’autre vit en marge, dans une caravane dont on ne comprend pas comment elle ne s’est pas encore effondrée sous le poids des bouteilles d’alcool vides. Tous les deux ont fait un séjour en prison, mais n’en ont pas tiré les mêmes leçons. Pourtant, quelque chose aurait dû rapprocher ces pères : leurs fils respectifs, Isiah et Derek, étaient mariés. Mais ni l’un ni l’autre n’a été capable de surmonter sa haine de l’homosexualité, gâchant systématiquement chaque échange avec leur enfant, incapables de se réjouir d’un bonheur pourtant incontestable. Maintenant qu’il est trop tard, les deux pères sont confrontés à cette immense culpabilité qui n’a d’égal que le chagrin qu’ils ressentent d’avoir perdu leur unique enfant. Alors, malgré leurs différences, les deux pères accablés s’associent pour résoudre le mystère qui entoure la mort de leurs fils, car il est évident qu’un énième crime homophobe ne représente pas une vraie priorité pour la police.

Ces hommes que tout oppose doivent donc collaborer. De laconiques au départ, leurs échanges s’étoffent au fil des pages, parce que quand on avale les kilomètres coincés dans un habitacle, il est impossible d’échapper à la discussion. Mais attention, ça ne va pas virer en épopée larmoyante, mais plutôt en road trip sanglant ! Car Ike et Buddy Lee s’expriment plus facilement avec leurs poings, et ils sont déterminés. À défaut de pouvoir se faire pardonner auprès de leurs fils, ils vont honorer leur mémoire et faire payer l’addition à qui de droit. Alors qu’on devrait détester ces antis-héros, des repris de justice prompts à replonger dans leurs pires travers, c’est tout le contraire qui se passe et on s’attache à ces machos fissurés.

J’ai absolument tout adoré dans ces lignes ! Une peinture claire et sans filtre de l’Amérique d’aujourd’hui, c’est ce que nous propose l’auteur en traitant de racisme, d’homophobie, à travers les parcours de ces pères qui, certes, n’ont pas été les meilleurs, bien au contraire, mais qui ont vu leur voile d’intolérance se déchirer avec la mort de leurs enfants. Une prise de conscience salutaire, bien que tardive. C’est très émouvant de voir ces hommes devenir d’un coup les défenseurs d’un mode de vie que, jusqu’il y a peu, ils ne comprenaient pas. Pire, qu’ils condamnaient. Avec ses dialogues savoureux, ses personnages attachants, son action ultra testostéronnée comme je les aime et surtout, sa sacrée dose d’émotion (la fin m’a mis la larme à l’œil), ce livre m’a complètement emportée et conquise. Le mélange action-émotion est singulièrement bien équilibré et le message pas si subliminal que ça est une ode à la tolérance livrée à coup de parpaings dans la gueule. Coup de cœur !