Chronique de « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur », de Harper Lee

J’ai croisé des milliers de fois ce titre, j’ai eu envie de le découvrir au moins autant de fois ! Car il est entendu que c’est un classique… Mais j’en ai reporté la lecture sans cesse… pas le temps, pas l’envie, trop à lire, toujours une bonne excuse pour ne pas y plonger. Jusqu’à ce que je décide, sous l’impulsion d’un challenge littéraire visant à (re-)découvrir les grands chefs-d’œuvre américains, de cesser de reporter la lecture. Allez, enfin, je me décide à foncer. Curieusement, autant je connaissais et le titre, et bien sûr l’auteur, autant je n’avais pas la moindre idée de l’histoire que ce roman racontait !

Nous atterissons en Alabama, au beau milieu des années 30, en pleine « Grande Dépression ». Atticus Finch est avocat. Il est aussi veuf et père de deux enfants : un fils, Jem, et une fille, surnommée Scout, qui est notre narratrice. Il est aidé dans leur éducation par une gouvernante noire, certes bourrue, mais surtout très aimante : Calpurnia. On vit au rythme de l’enfance de ces enfants, entre les périodes scolaires et les chauds étés, durant lesquels ils passent énormément de temps avec leur ami Dill. Tous les trois, en gentils garnements qu’ils sont, font un paquet de petites idioties, dont certaines ont pour but de faire sortir de son antre l’un de leurs voisins, Boo Radley, qui vit complètement reclus chez lui et qu’ils n’ont même jamais vu ! Toutes les tentatives se soldent pourtant par des échecs, alimentant la légende, et parfois aussi par quelques bonnes engueulades de Calpurnia.

Un jour, Atticus est assigné à la défense d’un homme noir, qui est accusé d’avoir violé une femme blanche. Eu égard au lieu et à l’époque, le procès semble presque écrit d’avance, mais Atticus est un homme bon et juste. Pour lui, nul doute que la version présentée au grand public (et, in fine, aux jurés) diffère singulièrement de ce qui s’est réellement passé ce jour-là…

Il n’y a rien de plus innocent que le regard que porte sur le monde un enfant, et voir cet Alabama des années ‘30 au travers du prisme du regard de Scout est d’une touchante justesse. À cet âge où tout semble possible, où la haine de l’autre, simplement parce qu’il n’a pas la même couleur de peau, semble si inconcevable, où l’inconnu est danger, mais est surtout aussi effrayant qu’il est attirant, Scout et Jem nous désarment. Et ils nous attristent, aussi, car aucun doute qu’avec l’âge viendront pour eux le temps des désillusions, lorsque leurs yeux grandis s’ouvriront pour voir ce monde tel qu’il est vraiment.

J’ai, depuis l’enfance, été passionnée par l’histoire des Etats-Unis et de la ségrégation raciale. J’ai étudié par pur plaisir la guerre de Sécession durant nombre de mes vacances scolaires. J’ai peut-être, comme Scout, été une idéaliste. J’ai grandi, moi aussi, et donc enterré certaines de mes illusions, mais jamais je ne cesserai de brandir en étendard mes idéaux d’égalité.

J’ai été sincèrement touchée par ce récit magnifique et émouvant. Un classique désormais gravé dans mon cœur de lectrice.